L'instant bio #17

Bonjour à tous,
La célèbre scientifique polonaise, lauréate du prix Nobel, Maria Curie-Sklodowska a dit un jour : « Un scientifique dans son laboratoire est non seulement un technicien : il est aussi un enfant placé devant des phénomènes naturels qui l'impressionnent comme des contes de fées. » Ce sont ces contes de fées qui m’amusent tant. Les histoires de tueur en série en étoile de mer, de tenancier de maison close en concombre de mer, de gigolo et de sa femme fatale en baudroie, des vampires en lamproies ou encore des lovers chauds en isopodes marins. J’espère que désormais vous n’allez plus jamais regarder certaines créatures marines de la même manière… 

Je vous souhaite à tous de bonnes vacances avec de merveilleuses rencontres sous-marines. Et maintenant le temps est venu pour la dernière histoire de la saison.

 
Phallusia mammillata
Lorsque l’on décrit un plat composé d’ingrédients marins, on pense souvent aux saveurs iodées. Le goût iodé, c’est le souvenir des plages de l’enfance. Microcosmus sabatieri aussi appelé Violet de Mer, Figue de Mer ou Biju a des saveurs iodées très puissantes. Violet de Mer se déguste le plus simplement du monde. Nul besoin de cuisiner. On prépare citron et vinaigre et on sort les verres de rosé. Certains vont se régaler, tandis que d’autres les regarderont d’un air dubitatif. Mais la plupart ne savent pas ce qu’ils mangent. Certains pensent que c’est une plante bizarre, d’autres trouvent qu’il ressemble vaguement à une éponge. Rares sont ceux qui identifient cette bête informe comme un animal invertébré.
Avant d’être étonné, précisons que Violet de Mer est l’une des espèces d’ascidies. Ces animaux peuvent prospérer dans n'importe quelle profondeur de la mer. Ils vivent seuls, attachés à une surface dure ou en colonies. L’ascidie a une forme de sac. Elle est enveloppée d’une tunique. Le corps s’ouvre sur deux siphons. L’animal fait entrer l’eau de mer par le premier, se nourrit des particules qu’elle contient, et la fait ressortir par le second. L’ascidie est capable de filtrer 200 litres d’eau par jour. Elle peut se comprendre comme un sac filtreur rudimentaire.
Première surprise, les ascidies, ces animaux marins invertébrés abritent dans leur sac des organes bien différenciés, assez comparables aux nôtres. Ce qui fait que ce sac informe nous est plus apparenté qu’il ne l’est à un calmar, un crabe, ou même une éponge.
Les ascidies font partie des urochordés, animaux qui sont les plus proches cousins des vertébrés car l’organisation de leur larve est assez similaire à celle des embryons des vertébrés ! Justement, la seconde surprise, c’est la larve. L’ascidie adulte fixée au fond ne ressemble pas au bébé qu’elle était, libre, nageur, ressemblant finalement à une sorte de petit poisson. Lorsqu'elles sont des larves, elles ressemblent beaucoup à des têtards, nageant librement, mais ils sont incapables de se nourrir à ce stade.
Pour pouvoir se nourrir, ils doivent renoncer à leur liberté de nage et se fixer en permanence sur le fond de l'océan. Mais ce n'est pas tout ce qu'ils abandonnent dans le processus, ils absorbent et digèrent les parties du corps dont ils n'ont plus besoin, y compris leur queue, leurs branchies et leur cerveau. Aïe ! Quels cannibales !
La larve bat de la queue grâce à des muscles attachées sur une baguette dorsale, qu’on appelle la chorde et qui est en tous points l’homologue, les prémices de notre colonne vertébrale, la chorde originelle, autour de laquelle s’organisent nos vertébrés. Voilà une larve qui affiche une parenté certaine avec les poissons, mais dont l’adulte adoptera le mode de vie tristounet d’une éponge !
Pour finir, une troisième surprise. Le nom, donné par Georges Cuvier, l’anatomiste du XIX siècle, à une espèce d’ascidie : Phallusia mammillata. Le nom du genre dérive de phallus, allusion à sa forme et à son maintien. Le nom d’espèce, mammillata, signifie mamelonnée, pourvue de mamelles, allusion aux multiples bosses se trouvant sur la tunique.
Voir des seins dans ces bosses et le membre viril dans sa forme ! On se dit que Georges Cuvier, au moment de nommer cette espèce, devait être sous l’emprise de sa libido ou qu’il avait abusé du vin en dégustant des violets !
P.S. On peut facilement tomber en Méditerranée sur la Phallusia mammillata connue plus largement comme l’Ascidie Blanche. N’hésitez pas à m’envoyer sa photo si vous la trouvez pendant les vacances. Je vais toutes les afficher au club.  
A très bientôt,
Karolina






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